samedi 1 décembre 2007

la colocation en écriture

Bonsoir le monde!
J'aimerais créer de quoi de potentiellement bon pour le prochain numéro de la revue Biscuit chinois et j'aimerais vous livrer un extrait pour recevoir des critiques des plus honnêtes et constructives. En particulier toi, bb.
voici donc:

Elle est revenue. Ma tête est maintenant vide d’inspiration, simplement troublée et fatiguée. Je ne veux pas lui parler, je la sens tellement hypocrite et méchante. Tantôt, elle sera distante avec moi, ne me parlera pas. Un autre moment, elle se fera amicale et me demandera de l’accompagner en ville. Qu’elle me laisse donc tranquille, je ne demande qu’à terminer cette semaine et à repartir chez moi. Rien d’autre à dire. Fatiguée.
...

Elle écoutait sa coloc dérangée emballer la vaisselle dans les cartons et elle sentait un besoin fou de ne pas rester là, dans ce même appartement. Sauf qu’elle n’avait nulle part où aller, et elle sentait qu’elle devait rester là, afin de protéger le peu de biens qui lui appartenaient. Elle aurait dû faire des boîtes elle aussi, mais elle n’en avait pas. C’était la veille que la coloc leur avait fait une scène et décidé de mettre tout le monde à la porte, y comprit elle-même. Date de départ : le plus vite possible. Pour tout le monde. Aucun bail signé, aucun recours.


Le bruit de la vaisselle qu’on emballe avec frustration lui serrait le cœur. Incroyable. Si vite! La dérape ne s’était pas faite annoncer. Où aller? Comment payer? Elle angoissait en silence, assise sur son lit qui lui semblait si minuscule. Elle tendait l’oreille, écoutait, tentait d’être discrète envers elle-même.

Je suis venue au monde à l’âge de 20 ans. À peine un mois après mon anniversaire, pour tout vous dire.

J’étais alors une petite fille dans un monde bien trop grand pour elle, la naïveté même. Je m’étais engagée à aller vivre dans la grande ville, dans cet appart génial que ma copine me disait avoir déniché. Je dis ma copine, en fait c’était moins que cela : une fille avec qui je m’entendais bien à l’école, et qui semblait ne pas avoir eue la vie facile. Elle me faisait pitié, en quelques sortes, et je me disais que si je devais partir, ce devait être avec elle.

J’étais loin de m’imaginer ce qui m’attendait.

Dès le départ, la situation me mettait mal à l’aise. Elle s’arrangeait toujours pour que je ne puisse donner mon opinion sur les décisions communes, mais me faisait payer pour tout. Je vous donne un exemple : elle trouvait toujours quelque chose à améliorer dans l’appartement, que ce soit la décoration, le plancher de la salle de bain, ou les luminaires. J’arrivais une journée, et quelque chose était changé, à mon insu. Elle me montrait alors la facture et me faisait payer la moitié. Et moi, bien entendu, je payais. Il ne m’aurait pas passé par la tête, à l’époque, qu’on ne rénove pas à ses frais un appartement dont on est le locataire, et que les choses dont je n’ai pas donné mon accord, je n’ai pas à les payer. Je voulais être gentille. Je payai pour l’assurance de l’appartement aussi, bien entendu. Bref, je payai toutes les excentricités qui lui passèrent par la tête. Bien vite, l’argent que j’avais économisé en vue de la grande aventure était partie en fumée. Non, pas en fumée; en peinture, décoration et beaux planchers de céramique.

Tout ce qui était à moi n’avait pas sa place ailleurs que dans ma chambre. Si j’essayais d’incorporer ma touche personnelle dans le salon, à mon retour c’était posé sur mon lit. À toutes les fois.

9 commentaires:

Benoit Bordeleau a dit…

Bon, à prime abord je dois dire que je ne connais pas trop la mise en page de Biscuit Chinois, et je n'ai pas vraiment d'idée préfaite concernant les textes y ayant déjà paru. Donc pour pallier à cette ô lacune de mon âme j'irai me procurer une copie de la revue lundi pour juger de l'extrait de ton texte vis-à-vis de ces ayant déjà paru. Sinon, je me lance dans la joie. Il est 8h52, alors ne t'attend pas à une analyse textuelle hyper approfondie. N'en suis qu'à mon deuxième café.

*

First off, pour ce qui est de la forme, y a co-habitation de deux trames narratives qui semblent bien s'accorder avec le thème (Colocataires). D'autre part, le pronom "elle" correspond autant à la narratrice du récit premier qu'au "elle" du récit enchassé. Choix fort judicieux en ce sens que dans le même espace graphique coexistent deux personnages en opposition - deux personnes dans le même espace, donc colocation textuelle, si on se permet l'expression. Ce que je trouve dommage, par contre, c'est la présence du "je" qui vient casser le jeu des polarités. La première personne dévoile immédiatement la correspondance opposition entre les deux "elle". Mais bon, surtout une opinion ici, mais je pense qu'on peut faire confiance au lecteur pour dévoiler le jeu. J'avoue qu'il y a quelque chose d'intéressant à faire avec le tout.

D'un autre côté, puisqu'on est dans le format "nouvelle", je me demande si la fragmentation du texte ne vient pas justement empêcher une dynamique de s'installer... Quoiqu'on n'a qu'un extrait alors il est difficile de juger - et si tu pousses près du 3000 mots comme la revue l'offre, je suppose qu'on pourra laisser cette dernière intervention de côté.

Pour être franc, le problème que je décèle résiderait peut-être dans l'usage de l'imparfait. On sent qu'une frustration de la part du personnage veut sortir, mais comme on a affaire à un narrateur à focalisation interne, mais tout de même distancé par la troisième personne, on a déjà une perte de dynamique. D'autre part, l'imparfait implique lui aussi une distance - peut-être pas le cas formellement, mais dans ma tête il y en a une. On se retrouve donc avec une double mise à distance et la petite rage du personnage est étouffée. Je ne sens pas qu'il pourrait réellement y avoir une effusion de sa part.



*

En bref, peut-être ré-écrire le récit enchassé au présent pour voir l'effet que ça donnera. Aussi, tu as jusqu'en février pour expérimenter, alors n'hésites pas à le faire. Et comme je t'ai dit, je vais aller jeter un coup d'oeil à la revue pour pouvoir te donner un meilleur avis. Je te reviens là-dessus!

Benoit Bordeleau a dit…

Autre paradigme intéressant à exploiter davantage, selon moi: Fatigue - salon - lit, qui se retrouvent déjà dans l'extrait. Si on se place sur les prémisses que le salon est lieu de détente et de discussion (plus au XIXe, mais bon, toujours applicable ici), le rejet des objets du "Je" viennent briser symboliquement le dialogue qui est déjà briser dans les faits. "Elle écoutait sa coloc dérangée (...)". Il y a donc écoute d'une part, acceptation de la parole par l'être qui rejette. Le rejet s'affirme par les effets personnels sur le lit, lieu d'intimité - mais n'est-ce pas aussi un lieu de vulnérabilité en tant qu'espace d'horizontalité par excellence sortant de la verticalité humaine? "Qu'elle me laisse donc tranquille, je ne demande qu'à terminer cette semaine et à repartir chez moi. Rien d'autre à dire. Fatiguée." On se retrouve ici dans l'ordre de la supplication qui se ponctue par une fermeture au dialogue, s'il en est un "Rien d'autre à dire." Coupure dans le langage pour aboutir finalement à la fatigue. Le pattern même des objets remis sur le lit.

À cogiter.

B.

-CaR0- a dit…

wow, vraiment, merci pour tes commentaires constructifs, Benoit!

Tu m'en donnes plus que je n'espérais, et je n'ai qu'envie de m'asseoir à côté de toi avec mon brouillon pour qu'on griffonne les pages de modifications à apporter.

Élève solitaire a dit…

Très bon se que tu écris :).J'ai corigé ma faute comme tu me la dit...Je suis pas un ''pro'' du français faut dire :P, je fais beaucoup d'éffort.

Au plaisir CaRO xxx

Benoit Bordeleau a dit…

Mon plaisir. Je ne fais que donner mon opinion sur ce que je lis. À toute fin pratique, c'est toi qui écris le texte.

Monsieur l'adulte a dit…

Ok. euh. bb est mon nouveau dieu littéraire. Et toi, Misss Caro, ma nouvelle nouvelliste favorite! J'adore les images que tu fais émerger si simplement, le chaotique dans le paisible, le risible dans le réalisme. Voila l'humble opinion, un lundi soir fatigué de tempête, de Monsieur l'adulte...

Benoit Bordeleau a dit…

@M. l'adulte: tu m'en vois flatté, mais me reste toute une vie pour apprendre des trucs - en tout cas, espérons!

@Caro: Suis allé grappiller dans Biscuit Chinois aujourd'hui, de ce que j'ai vu, l'intuition que j'avais sur le format est juste, alors je maintient ce que j'ai dit - écrit - jusqu'à présent. Si tu veux, quand le texte sera remanié et que tu veux une opinion plus juste sur l'ensemble, tu peux me le communiquer par e-mail.

Selenide a dit…

J'aime bien ta nouvelle, du fait qu'au départ on peut être porté à croire que la colocation dont il est question ne réfère qu'à deux personalités dans une même tête... À moins que je ne sois la seule à avoir lu le premier paragraphe ainsi. Mais l'idée est tout de même intéressante et pourrait être exploitée dans une autre nouvelle, qui sait?

La fin me plaît beaucoup; c'est une de celles qui ne veut pas s'excuser d'être une fin, et qui ne se gêne pas pour arrêter lorsque tout est dit, lorsque l'histoire est finie, sans plus de détails, sans vouloir s'expliquer. L'image des quelques objets sur le lit, "là où ils se doivent d'être" selon la colocataire, est très forte.

Bon, ça y est, tu me donnes envie d'écrire ;)

-CaR0- a dit…

M. L'adulte, merci beaucoup, j'en suis très flattée et je vais tenter à l'avenir d'être à la hauteur de cette nomination. ;)

Sélénide, tu n'as pas tort pour les deux entités qui n'en font qu'une. En fait, ce sont des petits bouts que j'ai pensé venant de la même personne d'abord, les ébauches d'idées que j'ai eues sur la colocation. J'ai trouvé que ça faisait très bien, placé au début. Écrit, ma chère, écrit, et je te lirai. ;)

B.B., t'es trop fort. Merci. Je vais vraiment te l'envoyer par email quand il sera prêt.